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Paulette CHOUVEL – Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)



AU GRÉ DE MES SAISONS



Parfois, en descendant à travers le fourré
Au fond des bois muets dont la cime moutonne,
Par un jeune matin de printemps ou d'automne,
Sous un manteau brumeux, l'azur s'est retiré.

Soudain, sans que du voile un pli ne soit tiré,
Quand tout est gris encore dans le ciel monotone
Et que brille, égayant le regard qui s'étonne
Un reflet de soleil dans le bois égaré,

Ainsi, dans ce coin sombre où nos rêves demeurent.
Quand nous n'osons lever au ciel des yeux qui pleurent,
Il arrive parfois, qu'étonnant le regard,

Frêle rayon jeté par une ancienne aurore,
Un reste de bonheur, retrouvé par hasard
Nous conduit, nous éclaire, et nous réchauffe encore...


Dans "Les Poètes du dimanche", tome XIV

Cru Classé du Millésime Tome XX



MES QUATRE SAISONS



La brume déployait son décor de grand Meaulnes
Dans ce jardin paré en camaïeu de mauves,
La flore était transie, et voulant plaire encore,
Résistait à l’appel du lac aux reflets d’or.

Puis vint le manteau blanc qui feutre toutes choses.
Recouvrant les buissons, les arbres et les roses,
La dentelle éphémère, ornement des bouleaux,
Luttait contre la brise en filant des cristaux.

Profanant le linceul, la douce violette
Toute émue et fragile a tapissé l'herbette,
Le lilas fut jaloux, ombrant le forsythia
Du nuancier bleuté d’un superbe hortensia.

Prés du sol assoiffée, butinait, courageuse
Une abeille cherchant la manne précieuse.
Un doux soleil d’été tombant sur le bassin
Frôlait alors les fleurs d’un capiteux jasmin.

Saison après saison, une année après l’autre,
Nous aimions ce jardin qui fut longtemps le nôtre.
Je cultivais les fleurs pour t’offrir un bouquet.
Tu sais que dans mon cœur, dort un jardin secret


ODE À LA NATURE



Nous observions tous deux le contour incertain
D’un horizon baigné par des reflets de lune,
Rien ne bougeait. Pourtant, dans un éclat lointain,
Les notes du clocher s’égrenaient une à une.

Les nuages soyeux comme du coton blanc
Laissaient une traînée pour la dernière étoile.
Vénus étincelait dans sa robe d’argent
Et regardait la nuit lever enfin son voile.

Tandis que brusquement l’Orient s’embrasait
L’oiseau timidement chantait dans la clairière.
La terre frissonnait, et aussi se taisait
De peur d’effaroucher l’astre de la lumière.

Émergeant lentement de toute sa grandeur
Le soleil se hissait sur la colline sombre.
Projetant son éclat, sa force et sa splendeur
Sur les champs endormis dans la douce pénombre.

Éternelle magie du recommencement
La caresse du jour réveillait la nature.
Et les fleurs dans les prés étalaient fièrement
Leurs pétales nacrés sur un lit de verdure.


LES ÎLES D’OR



Quand un hardi marin s’en allait à bâbord
Sillonneur d’océans, et découvreur de plages,
Quand il avait, des mois durant, vu ses sillages,
À chaque escale faite écumé tout le port,

Un jour, l’âme oppressée et sans y croire encore,
Cet homme lassé d’attendre, épuisé de voyages,
Apercevait une île montant vers les nuages,
Et le marin, vieilli, touchait aux îles d’or.

Les suprêmes amours ressemblent à ces îles.
On n’y touche jamais par des œuvres tranquilles,
Et qui n’a pas souffert n’y parviendra jamais.

Mais, heureux les lutteurs, heureux les fous sublimes,
Car ils reposeront sur des îles de paix,
Sachant l’effroi du gouffre, et l’horreur des abîmes.





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