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Alain MANARANCHE - Randan (Puy-de-Dôme)
Premier Grand Cru Classé du Millésime




MON AMI, MON FRÈRE



Tu m’as tourné le dos un matin de juillet
Pour le calme glacé de l’ultime voyage ;
Ton crâne nu si blanc sur le blanc oreiller...
Et j’ai reçu ce choc comme un éclair d’orage.

Tu étais mon ami qui ne savait mentir :
Mon frère d’opinions, et de luttes, complice.
Tu partageais ton temps sans compter, sans faillir,
Entre l’esprit du pain et l’esprit de justice.

Tu étais mon ami, nous marchions d’un seul pas
L’humeur au jour le jour et l’âme sans prophète ;
Profitant de la vie et mêlant nos combats
Le cœur au vent debout posé sur notre tête.

Tu étais mon ami, poète sans chapeau
Avec au bout des doigts la terre et nos racines.
Nous chantions quelquefois des vers à fleur de peau
Où l’on parlait d’amour dans l’enclos des usines.

Hélas un mauvais vent a séparé nos doigts,
Le reste de mes jours pèsera ton absence...
Si je pouvais garder en mémoire ta voix
Pour prendre son soleil et poser ton silence.

Randan le 17 novembre 2012


IL NEIGE DANS MON CŒUR



Il neige doucement et la mélancolie
Comme sur notre amour blanchit mon horizon.
Derrière la fenêtre où mon regard s’oublie
Je sens passer l’ennui de la triste saison.

Il neige doucement des larmes de tendresse
De ce bonheur perdu dans les affres du temps...
Comme passent les jours et pleure ma jeunesse
Au giron de la nuit de mes pauvres parents.

Il neige doucement des pétales de cendres,
Fleurs du champ des regrets de mes amours passées.
Ces flocons douloureux de leurs éclats si tendres
Qui fondent sur le cœur et brûlent mes pensées.

Il neige obstinément au miroir de mon rêve,
Des perles de diamant en collier d’illusions
Et pourtant je croyais au bonheur de la sève,
Mais l’amour est barbare au cœur des effusions.

Il neige sur les toits et la plaine s’allonge,
Je baisse le rideau et compte mes amis
Comme l’ennui me lisse au pinceau de mes songes
Dans ce désert si blanc où la rancœur m’a mis.


GENTIL PÊCHEUR DE MOTS...



Gentil pêcheur de mots et rêveur à la ligne,
Poète du Dimanche et parfois du lundi,
Je chante en vers français sur ma petite branche
Entre le gris du nord et l’azur du midi.

Je rime avec passion quand ma muse trépigne
Ou s’inquiète, étourdie, en écoutant crier
Quelque mauvais corbeau ou quelque vieille pie
Qui bassinent leurs queues au fond de l’encrier.

Je cherche l’or des mots en orpailleur d’arpèges
Sur des reflets de Lune ou vers les océans...
Et je suis cet enfant qui croit trouver fortune
En écoutant la mer dans la conque, en plain-chant.

Alors je laisse aller les mots filer leurs pièges
Et se risquer ma plume à fondre sous ma main
Et c’est comme un élan, soudain, que l’on allume
Où passe, incandescent, un flux d’alexandrins.

Je me sens transporté sur un fluide, en puissance ;
Les mots coulent de source et forment mes couplets
Je suis sur la Licorne ou bien sur la Grande Ourse
Et ne sais où je vais finir par m’exiler !

L’état de grâce emplit mon panier d’abondance
Je compile le verbe avec facilité ;
Tout me tombe du ciel, ma ligne s’exacerbe,
Plie sous le poids des mots... et leur banalité...

La source étant paisible, aux lendemains des ondes
En lisant mon poème et son chant visionnaire,
Avec le mal au cœur d’un poète au carême,
Je me dis que la pêche était bien ordinaire.

Randan le 30 septembre 2013


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