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                            Michel MULOT



PRIX PAUL FORT 2009 (livret)

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LA FILLETTE EN ROUGE AU MÉMORIAL DE DACHAÜ

 
S'agrippant des deux mains au bras de son grand-père
Tout le long des chemins semés de graviers gris,
La fillette avait vu les restes de l'enfer,
Ses yeux noirs effarés de cette ignominie.
À la fin, elle a lu, sur les lettres de pierre :
"NIE WIEDER… PLUS JAMAIS…", et s'est tournée vers lui :
 
"Explique-moi, Papy, pourquoi depuis tout ça,
Les messieurs si puissants, commandants des pays,
Ont permis le Vietnam, les goulags, le Rwanda,
L'Afghanistan, l'Irak, les massacres thaïs,
La Tchétchénie en pleurs, l'Iran, Sarajevo,
Les camps de Palestine et puis Srebrenica,
L'horreur au Kosovo, les sanglots d'Algérie,
Et les "et cætera" qu'on ne sait même pas ?...
 
Noué par l'ombre des compagnons de tourments,
Le vieil homme a soufflé des mots d'ambre et de nuit,
Sa moustache brillant de deux larmes d'argent.
"Je ne sais pas, petite… Un jour le sage a dit :
Seule, en dehors de la grandeur du firmament,
La bêtise de l'homme approche l'infini…".


Tome XVII des Poètes du dimanche


QUESTIONS SANS RIMAISON

  Messieurs les Présidents, les Rois, les Généraux,
En vous grisant d'honneurs à l'abri de vos bombes,
Avez-vous déjà vu les photos des journaux
Nous montrant les sanglots des mères sur les tombes ?
Les enfants kosovars recherchant leurs familles
Et leur pauvre passé dans les gravats fumants ?
Les enfants du Cambodge aux jambes arrachées
Fouillant les détritus en quête d'un repas ?
Tous les enfants meurtris dans l'âme et dans la chair
Par l'acier des fusils d'aveugles mercenaires ?
 
Messieurs les P.D.G., les chefs, les dirigeants,
En vous gonflant d'orgueil, soûlés par vos recettes,
Pensez-vous un instant qu'à l'ombre de l'argent
La haine et la misère étouffent la planète ?
Savez-vous les enfants oubliés de la vie
Dans les caves de l'Est ou les orphelinats ?
Les enfants du Soudan, leurs membres décharnés
Et les mouches tournant au bord de leurs paupières ?
Les fillettes vendues à Manille ou Bombay
Aux touristes suant l'orgueil de leurs dollars ?

Mais toi… poétiseur, en écrivant ces lignes,
Le cul dans ton fauteuil, pour laver ta conscience,
Crois-tu pouvoir gommer ces images indignes
Armé de simples mots face à tant de souffrances ?
Tes vains alexandrins sauront-ils apaiser
Les affres de la faim et les plaies d'indigence ?
Les enfants sans amour se moquent de tes vers
Et ne demandent pas d'emphatiques ballades :
Pour que renaisse un cœur figé dans la détresse,
Viens éclairer sa nuit, viens lui tendre ta main.


Tome XVII des Poètes du dimanche


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